Exposition organisée en coopération avec la Mission culturelle du Luxembourg en France et avec la Cité Internationale des Arts.
#59
Vera Kox
footprints to fingertips
exposition personnelle
21/11/2019 - 21/12/2019
vernissage jeudi 21/12/2019, 18h
Crue, solide, liquide, fondue, cuite, colorée, minimale, abstraite, évocatrice... La matière sous toutes ses formes est au cœur du travail sculptural de Vera Kox. Intéressée par ses modalités d'existence et de transformation, elle en révèle le caractère tant transitoire, éphémère que fragmentaire en la recyclant, déformant, recomposant.
Dans l’exposition personnelle footprints to fingertips, à 22,48 m2 à Paris, l'artiste germano-luxembourgeoise actuellement en résidence à la Cité internationale des arts, présente une sélection d’installations en lien avec ses récentes recherches. Inspirée par Brancusi et son idée de « groupe mobile » – un groupe de sculptures inséparables et interdépendantes, les fragments combinés par Vera Kox forment un ensemble – chaque exposition lui permettant de repenser et de reformuler la mise en espace de ses pièces comme un alphabet ou un scénario en devenir. En découle une matérialité ambiguë et évocatrice qu'elle emprunte à des matériaux industriels et sériels sélectionnés minutieusement : flaques de plâtre, emballages, papier bulle, rouleaux en mousse isolante, moulages de nouilles instantanées et galettes de riz transformés par la fonte d'aluminium, tapis anti-dérapants ou encore cheveux artificiels. Ce sont toutes ces matières que l’on retrouve dans ses œuvres qui se juxtaposent en autant de combinaisons et de changements d'états orchestrés en un tout.
C'est dans la mobilité voire la fluidité de ces dialogues entre l'artificialité, l'utilité et la vraisemblance des objets que Vera Kox affirme le caractère vivace et en métamorphose constante de sa sculpture. À la manière de faux cheveux qui se greffent ou se clipsent, la sculpture devient une extension d'elle-même en opposition au statisme et à la monumentalité inhérents à ce médium. Alors que ces expérimentations donnent vie à des assemblages qui procèdent par rencontre, par croisement et par frottement de matières, de textures et de couleurs, chaque forme est obtenue par improvisation ou par maîtrise. L'artiste favorise des matériaux qui impliquent un passage forcé du plat au volume, du mouvement arrêté dans la forme ou d'une matière qui ne peut être contrôlée. Vivantes comme si une force les animait, ses œuvres, principalement positionnées au sol, s'interfèrent et réagissent en fonction de l'espace d'exposition pour y dessiner un paysage tant imaginaire qu'entropique.
Dans le travail de Vera Kox, ces alliances formelles et ces alliages chimiques privilégient une matière qui doit trouver sa forme et sa texture. Elle utilise en conséquence des couleurs qui ne sont pas en relation avec l'argile, matière terreuse, ou encore des surfaces qui contrastent avec la matière première. Acidulées, pop, industrielles, ces couleurs révèlent des oppositions entre la forme, les matières et les textures. Par l'usage de couleurs complémentaires projetées sur l'argile crue avant la cuisson, une vibration optique advient qui perturbe notre appréhension directe de la matière. Elle irrite et séduit à la fois notre perception et nous procure l'envie de la toucher. La perception haptique signifie littéralement la capacité "à saisir quelque chose". Dans ce cas, la perception est obtenue par l'exploration active de surfaces et d'objets par un sujet en mouvement, par opposition au contact passif par un sujet statique lors de la perception tactile.
Tels des leurres visuels voire gustatifs lorsque des aliments apparaissent dans les assemblages, ses œuvres nous invitent à interroger tous nos sens et à envisager leur potentiel nutritif et énergétique ; elles semblent littéralement s'alimenter à la manière d'un organisme vivant... En interrogeant nos modes de vie ou de fonctionnement, ces matérialités nouvelles, organiques et non organiques, que Vera Kox manipule et agglomère, semblent anticiper les impacts de notre activité humaine : les reliques et les traces de notre passage seraient ici mis entre parenthèses.
Marianne Derrien