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#36

Jean-Baptiste Caron

JARDIN D'HIVER

Exposition personnelle

Commissariat de Thomas Fort

14/11/2015 - 23/01/2016

Jardin d’hiver, la nouvelle exposition de Jean-Baptiste Caron à la galerie 22,48 m², résonne comme un moment de latence et de distorsion du temps, où soudainement l’invisible se perçoit, l’insaisissable se capture et l’improbable se réalise de façon surprenante. Un souffle furtif l’inspire et insuffle d’étonnantes transformations tant au niveau des œuvres qu’à celui de l’espace qui les accueille. L’artiste investit la galerie avec un ensemble inédit d’installations, de sculptures et de tableaux dans lesquels il explore les possibles de la matière afin d’y trouver de nouvelles forces en présence. Les matériaux sont ainsi du plus noble comme le marbre au plus commun comme le béton, utilisés pour traduire un territoire de l’imperceptible. L’air y est la proie ; permanent et omniprésent, il demeure a priori insaisissable. L’artiste met alors en place divers stratagèmes des apparences, comme autant de révélateurs de cette réalité invisible. 

Il ne se fait pas pour autant scientifique, ni même botaniste. Il tend plutôt à se créer le personnage d’un géologue de fiction, expérimentant le réel, usant d’un certain nombre de techniques pour trouver des indices à la vérité qu’il s’est lui-même constituée. Il cultive un jardin de formes parsemé de fabriques, d’objets artisanaux étant aussi bien des attributs de la friche industrielle que ceux du terrain vague. Roche, cire, fer à béton traduisent cet univers délaissé tout en proposant de nouvelles métamorphoses. Nous sommes invités à traverser un espace où l’entropie n’est plus seulement un chaos, mais devient un faux terrain, une zone indéterminée dans laquelle prennent naissance des volumes. Il s’agit peut-être de suivre Gilgamesh – héros sumérien ancestral auteur du premier récit de notre Histoire – et de parcourir en son souvenir un jardin de pierreries imaginaire, de fantasmer une telle épopée afin de prendre conscience de la condition humaine. Les œuvres de Jean-Baptiste Caron invitent le regardeur à réfléchir la notion de temps, le sien et celui du monde dans lequel il évolue.  


Ainsi le marbre rouge employé par l’artiste afin de figer pour l’éternité un souffle d’air humain, n’est-il pas paradoxalement annonciateur d’un état mortel propre à notre existence. On pourrait ici penser à la balustrade de marbre peinte au premier plan de la Madone à l’enfant (1490) de Giovanni Bellini, symbole de cette mort future et inévitable.

Cependant si la chute adamique reste inéluctable, l’artiste évite toute représentation vaniteuse préférant mettre en scène une « danse de la vie humaine » dans l’écho implicite de la peinture éponyme (1640) de Nicolas Poussin. Ce mouvement n’est donc pas celui qui marque un terme, mais plutôt celui qui annonce une diversité de possibilités. L’artiste montre en ce sens le potentiel de destruction, mais aussi et surtout de construction et de transformation propre à chaque être. Il dresse un jardin paradoxalement en ruine et en émergence, en attente, presque en hibernation et pourtant animé par un souffle perturbateur. Ce dernier, bruit à nos oreilles, caresse notre visage et étonne notre regard au moment où nous découvrons les formes qu’il a produites guidé par l’artiste. Il finit par modifier subtilement notre perception visuelle et haptique de l’espace d’exposition. 

La galerie se transforme avec JARDIN D'HIVER en un espace hétérotopique, l’espace d’une utopie localisable et de stratégies identifiables. Michel Foucault y entendait un territoire qui dans le réel nous inviterait à l’élaboration par la pensée d’un monde nouveau. Celui-ci resterait irréalisable et pourtant deviendrait un refuge inspirant et éveillant l’imaginaire. Cette hétérotopie s’inscrit donc comme un lieu fertile, virtuel et réel. Nul jardin, nulle végétation ne viendront recouvrir la galerie. Nous proposons plutôt aux visiteurs de l’imaginer entre les œuvres et à travers elles, comme une forme possible, « comme un tapis où le monde tout entier vient s’accomplir » tel que le désignait  Foucault. Pour lui, ce « tapis était un jardin mobile à travers l’espace ». Le jardin reste ici une forme en mouvement, car inspiré par le parcours et les sensations mêmes du regardeur. L’exposition pourrait être simplement l’écho d’une serre délaissée, offerte à l’hiver. Cette ruine  n’est cependant qu’une stratégie des apparences, offrant des indices pour entrevoir l’air et son absence.
 

DOSSIER DE PRESSE

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